AVEU D’UNE GOUTTE
Je suis une charmante jeune goutte d’eau
Née d’un mariage accidentel de H avec O
Je vivais dans un lac au pied d’une montagne
Dans la quiétude et la paix, sans peine ni hargne
De ma demeure je contemplais l’entourage
En temps d’éclaircis, de pluies ou d’orage
Jamais je n’ai songé abandonner mes racines
Pour moi, abandonner et périr étaient synonymes
Ma prétention exagérée n’avait pas de limites
Face à l’altruisme du groupe j’étais égoïste
J’avoue, je m’attachais maladivement à ma vie
Je me désintéressais des autres et de leurs vies
Jours et nuits je surveillais les lieux sans me lasser
J’étais prête devant le moindre risque à m’éclipser
Du bout du lac je me précipitais vers le milieu
Dès qu’un danger se profile dans les lieux
Je maudissais les pêcheurs et leurs balades
Leur campement au bord du lac me rendait malade
Les oiseaux qui survolaient sans cesse le lac
Me déséquilibraient et enflammaient mon trac
Je craignais de m’ancrer au corps d’un baigneur
Finir brisée dans une serviette stimulait ma frayeur
J’usais de tant d’astuces pour perpétuer mon existence
Pour l’existence des autres je n’avais que l’insouciance
Je me croyais la plus habile et la plus intelligente
Mais en fait je n’étais qu’une brillante ignorante
Au lieu de vivre solidaire de ma communauté
J’avais choisi de vivre retranchée et écartée
Je n’ai senti le besoin d’affection et de tendresse
Qu’à l’instant où je me suis trouvée en détresse
Ce jour là j’ai été emportée par une tempête lâche
Ni ma veille ni mes ruses n’ont pu m’éviter le crash
Du fond du confort et du luxe où j’ai un jour jailli
J’ai été balancée dans la nature méprisée et haïe
J’ai fini asphyxiée et salie dans un crasseux égout
J’ai semé l’orgueil me voilà récolter les dégouts
Janvier 2008